Les participants à ce stage étaient soit d’anciens délégués permanents ou non permanents de notre organisation devant les juridictions prud’homales, désignés comme défenseurs syndicaux, rompus aux arcanes de la procédure, du moins à celle applicable avant le décret du 20 mai 2016, soit de nouveaux défenseurs syndicaux figurant sur la liste définie par arrêté du préfet de région sur proposition de leur Union Départementale.
Une baisse organisée des saisinesLe décret du 20 mai 2016 pris pour l’application de la loi Macron, même s’il crée le statut de défenseur, dénature l’essence même du Conseil de Prud’hommes en détruisant bon nombre des règles de procédure qui faisaient la spécificité de la justice prud’homale et en renvoyant aux dispositions de droit commun du code de procédure civile. Il dresse des obstacles de procédure pour que les salariés ne saisissent plus les Conseils de Prud’hommes. Le but, comme celui de toutes les réformes de procédures devant l’ensemble des juridictions, face à la pénurie de juges (professionnels ou non) et de moyens, est de gérer les flux en réduisant l’accès à la justice. Le résultat, en matière prud’homale, ne s’est pas fait attendre : on constate une baisse des saisines des Conseils de Prud’hommes depuis la date d’application de la réforme de la procédure de l’ordre de 25 % à 30 %.
Dans le même temps, la loi 1088-2016 du 8 août 2016 (loi Travail), réduit de manière très importante les pouvoirs d’appréciation des Conseils de Prud’hommes en ce qui concerne les licenciements économiques, avalisant, ipso facto, des licenciements économiques sur la base d’un critère unique, et notamment une baisse d’activité par rapport à la même période de l’année précédente (qui a pu être exceptionnelle) sur une durée très courte (un seul trimestre pour les entreprises de moins 11 salariés !).
Le pouvoir d’appréciation des juges prud’homaux remis en cause
Les conséquences de la barémisation des indemnités prud’homalesL’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail instaure des barèmes indigents pour l’indemnisation des licenciements sans cause réelle et sérieuse. L’intérêt de la saisine d’un Conseil de Prud’hommes pour contester son licenciement devient très faible, en tenant compte du nécessaire aléa judiciaire. Il peut même tendre vers zéro :
- L’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un salarié présentant une ancienneté inférieure à une année est fixée au minimum à zéro et au maximum à un mois (quand bien même son préjudice serait énorme, qu’il aurait quitté un CDI pour l’emploi concerné, aurait déménagé avec toute sa famille, etc.),
- L’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un salarié présentant une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise d’au moins 11 salariés passe de 6 mois minimum à 3,5 mois maximum (et 3 mois minimum).
Une telle situation ne peut qu’entraîner une désaffection encore plus grande des salariés vis-à-vis de leur justice : les Conseils de Prud’hommes.
Les moyens limités conférés aux défenseurs syndicauxLe statut des défenseurs ne leur confère que des moyens limités (10 heures par mois lorsqu’ils travaillent dans un établissement d’au moins 11 salariés) alors que les règles de procédures exigent d’eux une intervention très professionnelle.
Les objectifs de la formationLe stage a pour but de donner aux défenseurs Force Ouvrière les moyens de déjouer les chausse-trappes procédurales et, néanmoins, de défendre réellement et efficacement les droits des salariés.
Il s’agit d’armer les défenseurs Force Ouvrière contre toutes les contre-réformes tendant à vider les Conseils de Prud’hommes de leur intérêt et ainsi permettre aux salariés de conserver une juridiction au service de leurs droits. Le stage insiste donc sur le sérieux de leur mandat syndical, mais aussi sur le rapport intime entre le rétablissement des salariés dans leurs droits et leur dignité, et donc sur le caractère passionnant de celui-ci.
Un argumentaire juridique fondé sur les conventions de l’OIT
à l’occasion , même si ce n’est pas le thème du stage, a été communiqué aux défenseurs un argumentaire pour tenter de faire écarter l’application du barème instauré par l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 quant à l’indemnisation des licenciements sans cause réelle et sérieuse, au motif qu’il est en contradiction avec les dispositions de l’article 10 de la convention 158 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT). Cet article permet aux juridictions qui examinent les recours des salariés contre leur licenciement, dès lors qu’elles considèrent le licenciement injustifié et en l’absence de réintégration « d’ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ». Il faudra faire dire aux juges que le barème ne permet pas une réparation adéquate et rappeler que le délai de deux ans prévu par les Contrats Première Embauche et les Contrats Nouvelle Embauche n’avait pas été à l’époque considéré comme raisonnable. En effet, la même convention de l’OIT prévoit « le droit des travailleurs à ne pas être licencié sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement et/ou du service » et que peuvent être exclus de ce droit « les travailleurs effectuant une période d’essai ou n’ayant pas la période d’ancienneté requise, à condition que la durée de celle-ci soit fixée à l’avance et qu’elle soit raisonnable. » n
Gérard Hinaux, Ancien défenseur syndical et animateur Stages Prud’hommes pour le Centre de Formation des Militants Syndicalistes
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