InFOrmation syndicale

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30 mars 2017

« Nou bon ké sa »

par Michel Le Roc’h, secrétaire général de l’UD CGT-FO de Loire-Atlantique
« Nou bon ké sa » (1)

Chômage record, insécurité chronique, accès aux soins limité, système scolaire délabré, etc., la marmite a fini par exploser. Pour éviter le chaos, la Guyane s’est engagée dans la grève générale avec la volonté d’être enfin écoutée. 60 % de la population guyanaise vit en dessous du seuil de pauvreté, 30 % n’a pas accès à l’eau potable ou à l’électricité, le taux de chômage des jeunes dépasse 40 % et la majorité d’entre eux n’a pas de diplôme.

Le centre hospitalier de Cayenne est au bord du gouffre. Les conditions d’hébergement y sont indignes et les locaux dédiés à la chirurgie insalubres. Aux syndicats, dont Force Ouvrière, qui réclamaient 100 millions de budget supplémentaire pour rénover l’hôpital, la ministre Marisol Touraine a répondu comme à son habitude par l’indifférence et a octroyé généreusement 15 millions d’euros pour solde de tout compte en 2016. Tous les services publics sont touchés de la même manière par un plan de restrictions tous azimuts.

L’envoi à Cayenne d’une simple mission de hauts fonctionnaires en fin de semaine dernière « pour gérer la crise », a été perçu, à juste titre, comme une provocation et a déclenché la colère de toutes les couches de la population. L’annonce d’une enveloppe exceptionnelle de 60 millions d’euros pour l’hôpital et d’un renfort de 25 policiers et 23 gendarmes pour la sécurité n’a pas calmé les esprits et la grève touche maintenant tous les secteurs.

A quatre semaines des élections présidentielles, cette soudaine révolte préoccupe « l’establishment » et secoue un peu plus encore un régime affaibli par les nombreuses « affaires ».

En Guyane et sur le territoire métropolitain, cette grève générale sonne comme un avertissement pour tous ceux qui veulent abaisser encore plus le coût du travail et poursuivre l’œuvre de démantèlement des garanties collectives.

Liquider les conquêtes sociales, c’est en tout cas ce qu’exige Pierre Gattaz du prochain président de la République, « qu’il soit de gauche ou de droite » a-t-il précisé le 14 février dernier à l’occasion de la présentation du programme du MEDEF,  pompeusement intitulé « livre bleu ».

Tout y va ! Pierre Gattaz invite le futur président de la République à poursuivre l’œuvre de la loi travail pour en finir définitivement avec le principe de faveur et le remplacer par un « principe de subsidiarité » moins contraignant pour l’employeur, où chaque entreprise pourra édicter ses propres règles libérées du code du travail et des conventions collectives. Il salue le CICE comme étant une avancée et exige 30 milliards d’euros supplémentaires. Il ordonne 100 à 115 milliards d’euros de coupes dans les services publics sur cinq ans, la retraite à 65 ans et la privatisation générale de la santé : ne devrait subsister qu’un « filet de sécurité », financé par un impôt à assiette large comme la TVA ou la CSG.

A ce stade, seules les retraites complémentaires et l’assurance chômage, qui représentent tout de même 150 milliards d’euros de salaires différés, semblent échapper à sa volonté de destruction. L’attachement au paritarisme de certains dirigeants patronaux explique sans doute cela (2).

Emmanuel Macron, candidat des banques et de la finance internationale, n’a par contre aucun scrupule et envisage de remplacer le régime paritaire d’assurance chômage -35 milliards d’euros- par un système géré par l’état, non plus financé par les cotisations sociales, mais par la CSG. Chacun sait qu’un système étatique fondé sur la mise en place d’une « assurance chômage universelle », élargi de surcroît aux « non-salariés » conduirait inévitablement à réduire considérablement les droits des chômeurs, tout en augmentant les impôts de tous.

Emmanuel Macron va jusqu’au bout de sa logique idéologique. Il ne conçoit pas un système paritaire fondé sur le salaire différé qui puisse échapper à l’état. N’oublions pas qu’il se situe dans la continuité d’Emmanuel Mounier, le fondateur de la revue Esprit, initiateur du personnalisme, ce courant spirituel qui cherchait une « pseudo troisième voie » entre le capitalisme libéral et  le socialisme. Opposé à la gestion paritaire du salaire différé, Emmanuel Macron précise également sa perception des relations sociales dans l’entreprise : « il y a ceux qui pensent que l’entreprise est le lieu de la lutte des classes dans un monde fermé (…) » ; au contraire, « l’entreprise est une communauté de destins entre dirigeants et salariés ».

En finir avec la lutte des classes et exiger que les organisations syndicales renoncent à défendre les intérêts particuliers de la classe ouvrière, au nom d’un intérêt supérieur et « d’une communauté de destins entre dirigeants et salariés », tel est le vieux programme corporatiste du maréchal Pétain et sa charte du travail de 1941, avec son fameux « Plus de grève, (…) mais partout l’esprit de conciliation ».

Pour notre part, nous ne renoncerons jamais à défendre nos revendications en toute indépendance et à combattre les velléités des uns et des autres à instaurer le corporatisme. C’est ce que nous rappellerons à l’occasion de la journée internationale des travailleurs le 1er mai prochain.


1 - « ça suffit » en créole guyanais
2 - A l’heure où cet éditorial est écrit, un accord semble être trouvé pour la gestion paritaire de l’assurance chômage. Au-delà des points positifs (augmentation de la part patronale de la cotisation de 0,05% et allocation versée après 88 jours de travail effectif contre 122 jours) et négatifs (report de 50 à 55 ans pour bénéficier d’une année supplémentaire d’allocation), cet accord qui comme toujours est un compromis, peut être un point d’appui pour préserver le peu qui reste du paritarisme.