par Michel Le Roc’h, secrétaire général de l’UD CGT-FO de Loire-Atlantique
L’assassinat de sang froid, vendredi dernier dans la capitale, de dizaines de jeunes par des tueurs entraînés par des bandes engagées dans la guerre en Syrie, a provoqué un choc immense. Ce massacre est sans aucun doute l’expression brutale de la propagation à la France et à toute l’Europe de la guerre, qui se déchaîne au Proche et Moyen-Orient.
C’est dans ce contexte que le président de la République a décidé de prendre « des mesures exceptionnelles », en multipliant les frappes aériennes contre le groupe État islamique en Syrie et en décrétant l’état d’urgence sur tout le territoire national.
Devant le Congrès, qui a réuni ce lundi 16 novembre les députés et les sénateurs, le président de la République a également confirmé qu’un projet de loi serait déposé pour prolonger celui-ci de trois mois. En France, l’état d’urgence est une situation spéciale, une forme d’État d’exception qui restreint les libertés démocratiques. Les réunions et manifestations peuvent être interdites sur simple décision du ministre de l’intérieur ou du préfet dans les départements. Nous partageons totalement les inquiétudes formulées par la Ligue des Droits de L’homme et le Syndicat de la Magistrature pour qui « la France a tout à perdre à cette suspension – même temporaire – de l’Etat de droit » et qui appelle « à protéger nos libertés et nos institutions démocratiques en refusant de céder à la peur et à la spirale guerrière ».
Autant nous pouvons comprendre les mesures prises à l’encontre des djihadistes pour protéger les citoyens, autant nous ne pourrions accepter de voir réduite notre liberté de revendiquer, d’agir et de contracter. La défense des intérêts particuliers concourt à la démocratie.
Devant le Congrès, François Hollande a annoncé la création de 5 000 postes supplémentaires de policiers et de gendarmes, de 2 500 postes dans la Justice (notamment dans la pénitentiaire) et de 1000 postes pour l’administration des douanes.
« Le pacte de sécurité l’emporte sur le pacte de stabilité », a expliqué le président Hollande.Il aura donc fallu le jaillissement dans nos vies quotidiennes de ce vendredi sanglant pour que ce gouvernement prenne quelques « libertés » avec le pacte de stabilité, sans pour autant remettre celui-ci en cause. La seule issue, c’est de rompre avec la logique d’austérité, « suicidaire socialement, économiquement et démocratiquement ».
Dans un entretien paru dans le quotidien Les Échos, Marc Trévidic, vice-président du TGI de Lille et ex-juge d’instruction au pôle anti-terroriste tire la sonnette d’alarme : « Nous faisons face à un goulet d’étranglement: quand près de 2.500 personnes travaillent au renseignement, en face, il n’y a que 150 personnes du côté judiciaire. Ce déséquilibre signifie, en clair, que les juges n’ont pas les moyens de traiter les renseignements qui leur sont transmis. »
Plus que jamais, dans la situation présente, le renforcement du service public républicain doit être une priorité. C’est un facteur de cohésion. Le pacte de stabilité doit être abandonné et doit laisser sa place à de réelles mesures d’urgence permettant de maintenir et d’améliorer tous les services publics.
Car il ne suffit pas de louer la mobilisation et le professionnalisme des agents hospitaliers ou des policiers à l’occasion du terrible carnage. Encore faut-il quotidiennement leur donner les moyens de travailler dans de bonnes conditions. Pour l’hôpital public, cela signifie l’abrogation de la loi hôpital santé territoire qui vise 3 milliards d’euros de coupes budgétaires, au détriment de l’offre de soins. Cela signifie des créations de postes.
De la même manière, la réforme des collèges, qui appauvrit le niveau de culture des élèves, doit être abrogée. Comment peut-on devenir un citoyen libre, instruit et capable de discernement, en réduisant le nombre d’heures de cours disciplinaires ? En tout état de cause, nous n’accepterons pas qu’au nom de l’état d’urgence ou de l’union nationale, le service public soit sacrifié encore plus, que les statuts des fonctionnaires et le code du travail soient affaiblis, que la sécurité sociale soit attaquée, que l’on continue à engraisser une minorité en étranglant la majorité.
Au lendemain des attentats qui avaient atteint Charlie Hebdo le 7 janvier dernier, la confédération CGT-Force ouvrière avait refusé de participer à l’union sacrée proposée par François Hollande. Et elle avait raison. Car la colère peut rapidement succéder au recueillement. Et la légitime défense se joue également sur le terrain des revendications. Compte tenu de l’émotion suscitée par les massacres, de nombreuses actions et grèves revendicatives ont été reportées, mais soyons certains que la lutte de classe, facteur de progrès et de démocratie, reprendra ses droits.
La décision prise à l’occasion du dernier comité confédéral national des 7 et 8 octobre derniers « de prendre toutes les initiatives nécessaires pour construire le rapport de force par la grève interprofessionnelle » est plus que jamais d’actualité.
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