Le rassemblement du 16 décembre 2014 a été un succès.
Nous étions près de 8 000,
Place Vauban à Paris.
Nous remercions les militantes et les militants qui étaient présents.
Vous trouverez, ci-dessous, le discours prononcé par le Secrétaire Général de la Confédération.
DISCOURS - JEAN CLAUDE MAILLY
16 décembre 2014
Nous sommes plus de 6 000.
Merci à tous d’être présents.
Merci aux unions départementales et fédérations d’avoir organisé des
délégations.
Aujourd’hui, Place Vauban, à quelques encablures des ministères et de
Matignon, FORCE OUVRIERE lance un avertissement au Gouvernement.
La crise n’en finit plus. Démarrée à la fin des années 70, avec des hauts et
des bas, elle s’est profondément aggravée à partir de l’été 2007, il y a donc
maintenant plus de 7 ans. Il ne sert à rien de tourner autour du pot : c’est une
crise du système capitaliste avec une captation des richesses produites, une
capitulation des pouvoirs publics qui ont favorisé libéralisation, privatisation et
déréglementation, un recul de la démocratie et une montée de la ploutocratie.
De renoncement en renoncement les gouvernements successifs au plan
européen ont instauré l’austérité comme la solution unique, celle qui en fait
protège la rente et fragilise celles et ceux qui n’ont que leur force de travail
pour vivre.
J’entends déjà ceux qui vont dire que le secrétaire général de FORCE
OUVRIERE a quelques références marxistes. Et oui mes chers camarades,
je n’en ai pas honte, je pense même en être fier car, quoi qu’en disent les
bien-pensants, les tenants de la pensée unique, des libéraux cathodiques ou
le président du Medef, la lutte des classes est une réalité quotidienne que
seuls les aveuglés ne peuvent voir ou constater.
Cela fait deux ans que nous expliquons que pratiquer une politique de rigueur
ou d’austérité est triplement suicidaire, socialement, économiquement et
démocratiquement.
Socialement parce qu’en France comme ailleurs cela remet en cause ou
écorne les droits sociaux.
Economiquement parce que le résultat c’est l’absence de croissance, une
augmentation de la dette publique, une explosion du chômage et des
inégalités, un risque de déflation.
Démocratiquement parce que presque partout se développent des
mouvements de rejet de l’autre, comme c’est toujours le cas dans les
périodes de crise profonde qui leur servent de terreau.
Alors oui, il est plus que temps qu’au niveau européen soit mis fin aux
dogmes stupides et que l’Europe apparaisse non comme la fiancée des
marchés financiers mais comme la compagne du progrès social, économique
et démocratique.
Européens nous le sommes, très critiques aussi – cela va de pair. C’est ainsi
qu’avec nos camarades des autres pays nous revendiquons chaque année
pendant 10 ans un plan de relance d’au moins 260 milliards d’euros par an.
De ce point de vue le plan dit Juncker est très largement insuffisant et
essentiellement basé sur les capitaux privés, c’est-à-dire sur un rendement
des placements guidant les choix à opérer.
Avoir accepté le pacte budgétaire européen – sans même rechigner – est
une faute lourde qui corsète la politique économique et sociale suivie.
Comment expliquer autrement l’absence de coup de pouce au Smic, le gel du
salaire des fonctionnaires, l’appel aux rémunérations hors salaires, par nature
aléatoires et flexibles ?
Comment expliquer autrement le recul incessant du service public républicain
dans son rôle et ses missions ?
Comment expliquer aussi, au-delà des critères politiques, la réforme
territoriale en cours qui affaiblit les collectivités tout en remettant en cause
l’unité républicaine ?
Tout cela confirme une seule logique : accepter une politique économique
libérale conduit à l’autoritarisme social.
Tout en se disant partisan de la formule floue du dialogue social, le
gouvernement la pratique à l’économie. Ainsi va-t-il réunir les interlocuteurs
sociaux pour faire le point sur la loi dite de sécurisation de l’emploi qui a fait
suite à l’ANI de 2013 que FORCE OUVRIERE a combattu.
Quand on sait ce qu’il y a dans les tuyaux (2 ans de maintien dans l’emploi
c’est trop long et il faut plafonner les indemnités de licenciement dans les
jugements) on mesure qu’une loi déjà très libérale ne l’est pas encore assez
et qu’il faut aujourd’hui ajouter de la flexibilité à la flexibilité, de la précarité à
la précarité.
Pour donner des gages, conformément aux pactes signés, à la commission
européenne il faut dès lors s’engager sur des réformes dites structurelles qui
ne sont que des contre réformes sociales.
Qui peut croire sérieusement un seul instant que :
• La remise en cause des seuils et des IRP favorisera l’emploi ;
• Que pour embaucher il faut d’abord licencier allègrement et en toute
liberté patronale ;
• Qu’élargir le travail le dimanche ou le soir créera de l’emploi et
émancipera les salariés ?
• Que les heures supplémentaires sont trop payées et qu’il faut donc
pouvoir remettre en cause les 35 heures ?
• Qu’il faille remettre en cause la justice prud’homale.
Nous pourrions allonger la liste.
Ce sont là des erreurs économiques, sociales et historiques. Ce sont des
renoncements démocratiques et républicains.
Considérer que l’orientation économique prioritaire c’est l’allègement du coût
du travail et la réduction systématique des dépenses publiques et sociales,
c’est commettre le même type d’erreur et de faute que dans les années 30.
Le succès de FORCE OUVRIERE aux élections dans la Fonction Publique
est aussi, mes chers camarades, un succès pour les valeurs républicaines.
Nous gardons et renforçons notre première place dans la Fonction Publique
d’Etat avec des progressions notables dans différents secteurs tels
l’Education Nationale, les Finances, l’Ecologie, la Défense ou la Poste. Nous
progressons dans l’Hospitalière et dans la territoriale.
FORCE OUVRIERE est la seule des trois grandes confédérations à
progresser dans les 3 Fonctions Publiques.
C’est le fruit de nos positions et de la campagne menée par les militantes et
militants, un vrai travail de terrain qui est la base existentielle de
syndicalisme.
C’est aussi la cohérence depuis années de nos positions, analyses et
revendications à la fois vis-à-vis des agents publics mais aussi des usagers
citoyens avec la défense du service public républicain.
Et ce combat pour la république sociale ne s’est pas arrêté le jour des
élections le 4 décembre 2014. Nous allons le poursuivre tant il est essentiel.
Au cours des nombreuses visites de sites ces dernières semaines, nous
avons pu mesurer nombre de disfonctionnements ou reculs préjudiciables :
• Des soignants contraints de travailler 3 week-ends sur 4 ;
• Des contrôleurs sanitaires qui ne sont plus en mesure de contrôler la
qualité des viandes, ce qui augure de nouveaux scandales à venir ;
• Des fermetures nombreuses de sites publics, par exemple dans les
Finances :
• des réductions drastiques dans la Défense ;
• des inquiétudes fortes dans l’Education Nationale avec la
territorialisation ou des problèmes de sécurité possibles pour les
enfants avec la pétaudière des rythmes scolaires.
Les exemples de remise en cause pullulent malheureusement.
Les bons résultats dans le privé nous confortent également sur le bien-fondé
de nos analyses et revendications, celles du syndicalisme libre et
indépendant. Je ne citerai qu’un exemple, celui d’Airbus où nous avons
fortement progressé à Nantes, Saint-Nazaire et Toulouse, Toulouse où
FORCE OUVRIERE a accru son score de 11,8 points pour atteindre
aujourd’hui plus de 57% !
Mes chers camarades, à l’heure où le patronat descend dans la rue en
posant des cadenas à Bercy, le cadenas étant, je le rappelle, une preuve
d’amour, à l’heure où pourtant le gouvernement répond largement à ses
attentes il est plus que temps de rappeler quelques positions et
revendications fondamentales.
Mettre fin à l’austérité est aujourd’hui une ardente obligation. Aujourd’hui cela
doit passer prioritairement par :
• Une augmentation du Smic et du point d’indice et, dans la foulée, une
renégociation des minima conventionnels, des classifications et des
grilles. Refuser le coup de pouce au Smic sous prétexte que la politique
menée est celle de l’allègement du coût du travail et que compte tenu
des exonérations de cotisations patronales, toute augmentation du
Smic coûte cher à l’Etat est inadmissible et c’est un véritable mépris
pour les salariés.
Je rappelle la revendication de FORCE OUVRIERE : un Smic à 80% du
salaire médian, soit aujourd’hui, 1 780 euros bruts/mois.
• Une remise à plat de toutes les exonérations de cotisations patronales
dont la pertinence n’est pas démontrée et qui transfère le coût des
entreprises vers les ménages.
• La mise en place d’une grande réforme fiscale basée sur la justice et
l’équité tant pour les citoyens que pour les entreprises.
• La fin des réductions de dépenses dans le service public qui pénalisent
à la fois les fonctionnaires et les usagers. Il n’y a pas de république
sans service public et de service public sans agents du service public.
• L’arrêt des réformes telles que la réforme territoriale qui de la
constitution de grandes régions au découpage surprenant, à la remise
en cause des départements et de nombreuses communes va éloigner
le service public des usagers et accroître le sentiment d’abandon
républicain.
• Le renforcement de la politique industrielle qui, à l’opposé de l’erreur
sur l’allègement du coût du travail, doit mettre l’accent sur l’innovation,
l’investissement, la recherche et l’éduction.
• La réorientation de toutes les aides publiques aux entreprises.
S’agissant d’argent public, l’existence de contreparties impose des aides
ciblées avec engagement réciproque et contrôle, ce que ne sont bien
entendu ni le CICE, ni le pacte de responsabilité.
Un pacte de responsabilité et d’austérité dont nous demandons le rejet ou le
retrait.
Dès le début nous avons expliqué qu’il n’y aurait pas de contreparties, que
les 41 milliards d’euros d’aides aux entreprises sur 3 ans, financés par 50
milliards d’euros de réduction des dépenses publiques et sociales, étaient un
gaspillage et une erreur économique.
Tout miser sur l’allègement du coût du travail et s’inscrire dans la marche
infernale du dumping social, c’est remettre son avenir dans la main des
marchés et attendre de l’extérieur, c’est-à-dire des autres, une clémence et
une relance.
L’ancrage dans le libéralisme économique, la dérive vers le système anglo-
saxon sont contraires aux valeurs républicaines et à la république sociale.
C’est la primauté de la liberté individuelle contre la liberté collective, c’est la
liberté du renard dans le poulailler.
Quelle est la position du gouvernement dans les négociations internationales
comme le TTIP ou l’accord UE/Canada ? Va-t-il accepter la remise en cause
de normes sanitaires, sociales et environnementales et donner, d’une
certaine manière, aux multinationales le pouvoir de sanctionner les Etats ?
Pour le moment c’est plus que flou et quand c’est flou, il y a un loup !
Et que penser du projet de loi de M. MACRON, un projet de loi mêle tout qui
contient des dispositions socialement inacceptables et dont le Conseil d’Etat
déplore l’absence sérieuse d’étude d’impact. Ce n’est pas un projet de
progrès et de liberté mais de régression et de libéralisme !
C’est notamment le cas s’agissant du travail le dimanche. Penser un seul
instant que cela créera de nombreux emplois relève de l’aveuglement et de
l’idéologie. Non seulement le pouvoir d’achat n’est pas extensible en fonction
des heures d’ouverture, mais un magasin crée éventuellement de l’emploi si
ses concurrents sont fermés. Cela s’appelle capter la clientèle.
Dans le projet de loi en discussion, non seulement on passerait de 5 à 12
dimanches par an, mais on passerait de dérogations sectorielles –
condamnés par le BIT – à des dérogations géographiques aux contours aussi
flous que la réforme territoriale. Et le projet en cours n’est toujours pas, selon
nous, conforme à la convention 106 de l’Organisation Internationale du
Travail.
Au final, ce serait une marche de plus vers la banalisation et un frein à
l’émancipation et à la vie privée.
Dire, par ailleurs, qu’il doit y avoir compensation pour les salariés sans fixer le
plancher cela risque de s’appeler de la compensation virtuelle ou à minima.
Quant au volontariat, qui peut penser qu’on est libre de refuser quand on
cherche un travail ?
Il faut franchement vivre en dehors du temps et de l’espace, hors de la vie de
tous les jours, pour prôner l’extension du travail du dimanche.
Ce projet de loi qui risque d’agir comme une bombe à fragmentation traite
aussi de l’épargne salariale (ce qui privera la Sécurité sociale de recettes), de
la privatisation du permis de conduire et d’aéroports, des procédures de
plans sociaux.
Par ailleurs, pour un gouvernement qui se dit soucieux de la transition
énergétique, il faudra que le Ministère de l’Ecologie étudie le bilan carbone du
projet de loi Macron avec la multiplication des autocars et l’extension de
l’ouverture des magasins.
Dernier point que je veux souligner : l’avenir de la protection sociale
collective. Celle-ci répond aux valeurs républicaines d’égalité et de fraternité.
Elle organise la solidarité en ne se contentant pas de l’émotion.
Amortisseur social, elle est aussi facteur d’emplois directs et indirects tant
elle assure à nombre de professions et d’activités des débouchés en grande
partie socialisés au plan financier.
Préserver et consolider la Sécurité sociale, l’esprit et les objectifs de 1945 est
aujourd’hui aussi un objectif qui vient en contradiction avec le libéralisme
économique.
C’est le cas quand le gouvernement veut remettre en cause l’universalité des
Allocations familiales, ce qui peut par ailleurs servir de cheval de Troie à tous
ceux qui veulent faire la même chose avec l’Assurance maladie.
Ce jour-là ce sont les assureurs qui auront gagné, les inégalités qui se
développeront et la Sécurité sociale qui sera assassinée. Jamais FORCE
OUVRIERE ne l’acceptera.
Allocations familiales, Assurance maladie, retraites, tous les risques sont
concernés.
43 ans pour la génération 73 pour avoir une retraite à taux plein est
inacceptable.
Les tendances à remettre en cause le paritarisme sont tout aussi
inacceptables.
Si demain le patronat n’envisage le maintien des retraites complémentaires
qu’en diminuant les prestations et en augmentant l’âge, c’est qu’il n’est plus
attaché au paritarisme. Le fait que les représentants du Medef dans les
retraites complémentaires soient issus du monde des assurances privées est
d’ailleurs en soi inquiétant et révélateur.
Confier la protection sociale au secteur privé, c’est tuer la Sécurité sociale ou
en faire un minimum, c’est laisser les inégalités exploser, c’est faire de
l’assistance ou de la charité la bonne conscience du profit.
Les négociations, sur ce qu’on appelle la modernisation du dialogue social,
se heurtent aujourd’hui à un double diktat patronal : l’inversion de la
hiérarchie des normes et la fusion des institutions représentatives du
personnel, sans pour autant prévoir un mécanisme simple pour améliorer les
droits des salariés des TPE.
Politique économique, république, démocratie, pouvoir d’achat, emploi,
stratégie industrielle, principe de faveur, protection sociale collective, les
menaces ne manquent pas.
Le mano à mano du gouvernement et du Medef, au-delà des soubresauts de
communication, est de ce point de vue révélateur.
Oui l’existence des classes sociales est une réalité.
Oui quand la négociation n’aboutit pas, c’est l’action qu’il faut envisager.
C’est aussi ce qui se passe au Royaume-Uni, en Italie ou en Belgique
récemment.
Aujourd’hui 16 décembre 2014, au nom de FORCE OUVRIERE, j’adresse un
avertissement au gouvernement. La politique économique menée est
éloignée des besoins et attentes des salariés actifs, chômeurs ou retraités.
Les revendications sont connues mais non entendues.
Il arrive un moment où la démocratie peut être en danger. Nous ne sommes
pas devins, nous sommes réalistes.
Si nous en sommes conscients, d’autres le sont, au plus haut niveau.
La seule question qu’il faut alors se poser, en France comme ailleurs : c’est
pourquoi continuent-ils cette politique économique, démocratiquement
mortifère ?
Dire les choses et faire ce que l’on dit est notre règle à FORCE OUVRIERE.
Pour une confédération fondamentalement libre, indépendante, attachée aux
valeurs républicaines et à la démocratie, la responsabilité est de dire stop. Ce
que les femmes et les hommes font, ils peuvent aussi le défaire et faire autre
chose.
Si cet avertissement au gouvernement comme au Medef n’est pas entendu,
nous n’en resterons pas là.
Aujourd’hui 16 décembre 2014 c’est une étape dans la construction du
rapport de forces.
Nous n’excluons rien pour les semaines et les mois à venir et notre congrès
confédéral sera un moment important.
De l’avertissement à la préparation d’une journée de grève interprofessionnelle il n’y a qu’un pas.
Si nécessaire, nous sommes prêts à la préparer, dans l’action commune si
possible.
Vive la liberté.
Vive l’indépendance.
Vive la république sociale.
Vive FORCE OUVRIERE.
On me dit que nous sommes près de 8 000, Place Vauban !
Bon retour à toutes et à tous.